LES MÉTAMORPHOSES DE HANS ARP

ÉLÉMENTS
Je rêve des quatre éléments, terre,
eau, feu, air.
Je rêve du Bien et du Mal.
Et la terre, l´eau, le feu, l´air,
le Bien et le Mal s´entremêlent et deviennent l´Essentiel.
D´une toison céleste agitée
s´élève une feuille.
La feuille se transforme en un torse.
Le torse se transforme en un vase.
Un énorme nombril apparaît.
Il grandit,
il devient toujours plus grand.
La toison céleste agitée se dissout
en lui.
Le nombril est devenu un soleil,
une source immense.
la source du monde.
Elle brille.
Elle est devenue lumière.
Elle est devenue l´Essentiel.
En faisant un effort, je peux me
souvenir de la différence
entre un palais et un nid.
Un nid et un palais ont la même
splendeur.
Dans la fleur l´étoile rougit
déjà.
Ce mélange, cet entremêlement, cette
dissolution, cette abolition des frontières, c´est le chemin qui mène à l´Essentiel.
Comme les nuages les formes du monde
tournent les unes dans les autres.
Plus elles s´unissent en profondeur,
plus elles sont proches de l´essence
du monde.
Lorsque le corporel disparaît,
l´Essentiel resplendit.
Je rêve du crâne volant,
de la porte du nombril et des deux
oiseaux qui forment la porte,
d´une feuille qui se change en un
torse,
de boules jaunes, de surfaces jaunes,
de temps jaune, vert, blanc,
de la montre essentielle sans aiguille
ni cadran.
Je rêve de dedans et dehors, d´en
haut et d´en bas, d´ici et là-bas, d´aujourd´hui et demain.
Et dedans, dehors, en haut, en bas,
ici, là-bas, aujourd´hui, demain se mélangent, s´entremêlent, se dissolvent.
Cette abolition des frontières est le
chemin qui mène à l´Essentiel.
Hans ARP
Extrait de Je suis né dans la
nature
Traduction :
Laurent Margantin

Les éléments, la feuille se
transforme en torse
LA PLAINE
Je
me trouvais seul avec une chaise sur une plaine
qui
se perdait dans un horizon vide.
La
plaine était totalement asphaltée.
Rien
mais alors rien du tout à part moi et la chaise se trouvaient sur elle.
Le
ciel était continuellement bleu.
Aucun
soleil ne l´animait.
Une
lumière inexplicable et raisonnable illuminait la plaine infinie.
Ce
jour éternel me paraissait
artificiellement
projeté depuis une autre sphère.
Je
n´avais jamais sommeil jamais faim jamais soif jamais chaud jamais froid.
Comme
sur cette plaine il ne se passait rien et que rien ne changeait
le
temps était un fantôme absurde.
Le
temps vivait encore un peu en moi
et
cela principalement à cause de la chaise.
Comme
j´étais occupé avec elle je ne perdis pas
entièrement
le sens du passé.
De
temps en temps je m´étirais devant la chaise
comme
si j´avais été un cheval
et
allais au trot avec elle en cercle ou bien tout droit.
Est-ce
que cela marcha je le suppose
si
cela marcha je n´en sais rien
car
il n´y avait rien autour
grâce
auquel j´aurais pu contrôler mon mouvement.
Quand
j´étais assis sur la chaise je me demandais l´air triste mais pas désespéré
pourquoi
l´intérieur du monde irradiait une lumière noire pareille.
Lire des extraits de On my way (1948)
La mesure de toutes choses
De plus en plus je
m´éloignais de l´esthétique
Numéro de Mélusine consacré à Hans Arp

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