Michel Wathelet, citoyen de
Sberchamps (Libramont) est un ornithologue de référence et un photographe animalier de
talent. Actuellement attaché à la Division Nature et Forêts de la Région wallonne au
cantonnement de Saint-Hubert, il a également travaillé pour le compte de deux
associations de protection de lenvironnement : les Cercles des Naturalistes de
Belgique et, plus récemment, pour les Réserves Naturelles et Ornithologiques de Belgique
(RNOB).
Il y a une dizaine dannées, Michel a particulièrement suivi le cincle plongeur
dans la région du Centre Ardenne. Notamment, en étudiant les populations de cet oiseau
original mais aussi en plaçant près de cinquante nichoirs sur plusieurs cours deau,
tels le ruisseau de Neufchâteau ou la Vierre.
LInfo : comment reconnaître un cincle ?
M.W. : Le cincle est un oiseau à peu près de la couleur et de la taille dun
merle. Dailleurs, il est couramment surnommé merle deau. Cependant, il sen
distingue - même de très loin - par sa poitrine ou plastron dun blanc éclatant.
LInfo : où peut-on le rencontrer ?
M.W. : Cet oiseau est particulièrement lié à des cours deau qui sont, en
principe, de bonne qualité biologique. Par contre, ce qui est impératif, cest que
ces cours deau possèdent un courant relativement fort. Le cincle établit ses
quartiers favoris le long de ces rivières et ruisseaux. Je pense par exemple aux ponts,
aux moulins, aux vieilles bâtisses moussues du bord des rivières, aux troncs et
passerelles de fortune en tous genre jetées ça et là dune rive à lautre.
LInfo : le cincle est oiseau aux moeurs un peu particulières
M.W. : Il a par exemple une " manie " singulière de fléchir brutalement les
pattes pour se relever aussitôt, un peu comme sil était monté sur ressorts. Ce
qui est extraordinaire, cest quil sait tout faire : marcher et voler bien
sûr, mais aussi nager comme une parfaite poule deau, plonger à rendre jaloux un
canard et - surtout - sa petite spécialité à lui tout seul : la marche à pied
sous-marine!
LInfo : quel est le but recherché par ce dernier comportement ?
M.W. : Le cincle marche sur le lit du ruisseau, au fond de leau pendant plusieurs
secondes. En fait, il avance, tête baissée, luttant contre le courant, fouillant du bec
parmi les galets à la recherche de sa nourriture presque exclusivement composée dinsectes
aquatiques et de leurs larves : éphémères, coléoptères (comme le dytique),
trichoptères ("bêtes de bois " qui servent parfois dappâts aux
pêcheurs)
LInfo : que peut-on dire en ce qui concerne son mode de nidification ?
M.W. Notre merle deau fabrique un très gros nid en forme de boule, composé de
mousse et de terre, quil loge sous les racines entrelacées des berges ou dans une
cavité quelconque, toujours au-dessus de leau. La femelle effectue en général
deux pontes annuelles quasiment identiques et comportant de deux à cinq oeufs. Les
observations que jai effectuées mindiquent que cet oiseau niche très tôt
dans lannée. Ainsi, je me rappelle dun nichoir que javais placé en
janvier, et qui le 21 février de la même année était déjà occupé.
LInfo : vous avez placé des nichoirs à cincles. Où ? Ont-ils été
adoptés par vos protégés ?
M.W. : Dans les années 89-90, une cinquantaine de nichoirs ont été installés sous
les ponts (généralement le plus haut possible pour éviter les désagréments des crues)
du ruisseau de Grandvoir, du ruisseau de Neufchâteau et de la Vierre. Le succès était
manifeste! Ainsi, sur le ruisseau qui relie Respelt - Lahérie - Longlier - Neufchâteau,
dix nichoirs sur treize placés ont été occupés la même année
Sur la Vierre, le
taux doccupation était moins important (tout de même 50%), probablement dû au
fait que cette rivière offre un courant trop faible.
LInfo : as-tu une idée de létat de santé des populations de
cincles ?
M.W. : Il y a vingt-cinq ans, le nombre de couples nicheurs dans notre pays était
estimé à environ 1200. Je pense, personnellement, que les populations doivent rester
plus ou moins stables, même si bien entendu cet oiseau est lié de près à la qualité
des cours deau. Une chose est certaine, cest que la région Centre Ardenne lui
convient très bien.
Propos recueillis par Thierry Gridlet,
RNOB Famenne & Ardenne
IX
Le ruisseau déblaie
terre et pierres
et les dépose,
forme chantier
perpétuel
des coins, des creux,
des caches,
des lieux où se
nicher.
Des écrevisses, des
escargots,
des insectes verts,
costumés,
des merles d´eau
vivent, vivent et
découvrent, se sentent
bien au fond de l´eau
à l´ombre et dans la
décomposition,
dans les coins d´air
au-dessus du courant.
Pâtures et aulnes,
profondément enracinés
le long des champs de
lumière
l´accompagnent, on les
entend.
Walter Helmut Fritz