Pour que la littérature soit vraiment vivante et pas empaillée
Je ne souhaite vraiment pas que sous l’animal étrange on puisse lire un jour : "Ecrivain français, début XXIème siècle".
Cela semble en prendre le chemin lorsqu’on consulte en passant les vitrines de nombreuses librairies, la taxidermie littéraire étant devenue une spécialité de beaucoup d’éditeurs et de critiques aujourd’hui, voir ce qui se vend comme littérature sur le marché ces temps-ci.
Alors, pour se convaincre que l’activité littéraire, même à la marge, est bien vivante, on peut aller voir du côté des derniers Vases communicants chez Brigitte Célérier, et en particulier Par où on s’évase de Louis Imbert. Où l’écriture du dehors, du voyage s’inscrit dans l’espace du Net : pas sûr qu’on aurait pu lire un texte comme ça dans une revue papier il y a dix ans, et pas sûr qu’il aurait été écrit comme ça.
C’est aussi cela l’activité littéraire lorsqu’elle n’est pas taxidermique : l’invention de formes neuves sur des supports d’écriture inédits, hier revues aux formats, illustrations et typographies innovants, aujourd’hui nos écrans numériques où peuvent se déployer des expérimentations salutaires dans un monde de répétitions commandées par l’éternel commerce.
On peut aussi aller faire un tour chez Lovecraft, trois traductions inédites par Ruth Szafranski (nom qui évoque pour moi les tout débuts de Remue.net), c’est aussi dans ces redécouvertes et ces réévaluations d’auteurs passés que se joue la littérature contemporaine, lorsqu’elle se confronte au fantastique de nos villes.
Jour après jour, ce sont ainsi de nouveaux noms, des écritures neuves que l’on croise et recroise, loin, bien loin des vitrines.
Pendant ce temps-là, Antoine Gallimard lit les lettres de son grand-père Gaston, les empailleurs entretiennent les légendes.