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Les textes qui suivent, hétérogènes dans leur forme et les circonstances de leur écriture, se rattachent à une préoccupation au long cours, que la découverte de l’Italie fut pour l’auteur à la fois une occasion d’éprouver et d’approfondir de façon sensible : celle du rapport vécu du corps au(x) lieu(x) qu’il habite, traverse, fréquente, etc.
Qui parle de racines ou d’origine ne peut faire l’économie d’une localisation de ce qu’il dit. Ici, il s’est agi d’une tentative d’épuisement de la question du lieu à travers le relevé des impressions que l’origine découverte et voulue, factice aussi par conséquent a produites au long d’années de séjours, de mouvements incessants d’aller et de retour.
A présent, le lieu du séjour est devenu celui des racines telles que la généalogie les entend et du destin selon sa fatalité propre, aussi ces textes acquièrent-ils leur visibilité : ils n’ont plus lieu d’être tenus cachés.
Montgailhard, janvier 2009
Carlone, Vaglia, Firenze
(Bosco ai Frati, Trebbio, San Piero a Sieve, Vicchio, Paterno, Fiesole, Badia a Coltibuono, Borgo San Lorenzo, Scarperia)
San Felice, Pino Torinese, (Pecetto, Superga )
Gometz-le-Châtel
Cargèse
Makarska
Krk, (Malinska, Haludovo, Preddvor, Pola)
Athos, Sifnos, Lefkas.
De l’espace au lieu.
GRATITUDE I
Aux îles, aux criques, aux côtes, aux lacs, à la haute
montagne, aux vallées, aux combes et aux plateaux.
Aux routes sinueuses,
aux champs de toutes formes,
aux terrasses de Mérens ou de Lefkas,
à tous ces architectes inspirés et anonymes,
aux rêveries imagées,
et même à la photographie
aux pierres blanches
aux briques
aux marbres
aux temples
à tous ces musées oubliés
à ces églises certaines
aux cierges allumés
à tous ceux qui vont leur chemin
à tous les vertiges des amants
aux hommes pieux
à ceux à qui je n’ai rien osé confier.
aux villes de la Méditerranée, et aux capitales, aux ghettos disparus
aux bourgades et aux villages, aux lieux-dits et aux provinces,
aux vallées inaccessibles et aux plaines monotones,
aux grands fleuves, aux canaux, aux écluses
aux noms arides des philosophes,
aux érudits patients
aux yeux si beaux des moines
aux chants surpris
aux paroles dérobées
aux confidences
aux maisons accueillantes,
aux chambres d’une nuit,
à la révélation éblouie de la magie des lieux
aux humiliations subies
à toutes les consolations,
aux voyages éperdus
aux heures chaudes, aux creuses
à la moiteur des corps aimants
aux risques pris
à toutes les fantaisies et à la lune sur les collines
à l’herbe qui pousse dans la nef de San Galgano
à cette compassion
aux cinéastes
au passé
aux livres opportuns
aux sourires, à la nuque des jeunes filles au musée
aux soeurs, les petites et les bonnes.
Aux blés et à tous les épis
aux bûcherons et aux grottes, aux synagogues, à l’Acropole
à la maison trop sonore de Makarska
à la brasserie de Valenciennes
aux petits matins d’angoisse, aux après-midi brûlants,
aux crépuscules imperceptibles, à ceux de la confiance
aux feux de cheminée
Aux mots usés, à ceux qui gardent le courage, à la vérité
qui luit parfois.
Aux nuits trop avancées,
aux routes qui n’en finissent pas.
A toutes les processions.
Aux mouvements furtifs des animaux.
A la complicité.
A l’inespéré.
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